Vendredi 17 Mai : de Corfou à Sarandë (Albanie)
Départ de Corfou :
Un vent arrière d'une dizaine de noeuds relatifs (20 km/h) nous pousse dans notre montée vers l'Albanie. A l'Est, encore des
sommets enneigés. Le premier port d'entrée -on ne peut entrer dans le pays que par certains ports désignés- est Sarandë, station balnéaire la plus méridionale.
A 11 h, coup de fil à l'agent qui va se charger des relations avec l'Etat Albanais et donc des démarches administratives. A
13 h, accostage au quai d'accueil du port. A cette heure-là, la houle engendrée par le vent et les bateaux commerciaux fait tosser le bateau contre le quai et c’est très difficile de
le protéger ; heureusement dans l’après-midi, le vent va chuter, comme le nombre de bateaux de touristes.
Côté formalités, nos papiers étant en règle, tout est traité en moins d’une heure, pour la modique somme de 50 €, le séjour
au port étant de 10 € par jour supplémentaire, eau et électricité à volonté inclus.
La vue générale de Sarandë depuis notre place au port est un étagement d’immeubles assez serrés sur les pentes de la colline
qui donne dans la mer. Tous de six à sept étages, cela va du construit fini (crépi, peint, terminé) au détruit à gravats non évacués : il semble que certains aient pris des libertés avec les
permis de construire, que l’Etat ait fait détruire, mais que la ruine reste en état de non-achèvement si l’on peut dire. Ici, la construction pour estivants est l’activité principale et on
entendra des chantiers fonctionner la nuit. L’objectif de Sarande est de devenir la première station albanaise : si les prix sont attractifs (apparemment 500 €/m2), la densité de population
et la laideur globale ne poussent guère à l’investissement.
Comme notre après-midi est libre et que notre agent nous propose d’aller visiter les environs, nous décidons de repousser
notre tour de la ville au lendemain matin et d’aller voir deux lieux réputés : Butrint et l’Oeil Bleu (Blue Eye sur les guides).
Butrint. Butrint est un village qui occupe une colline formant presqu’île à proximité de Sarandë, au milieu
d’un lac d’eau saumâtre alimenté par une rivière importante qui descend des montagnes voisines. C’est un microcosme de l’histoire méditerranéenne, représentatif de ses diverses phases et en
particulier des croissance et déclin des grands empires qui ont dominé cette région.
Fondée par des exilés d’Asie Mineure après la chute de Troie, elle fut successivement occupée par les Grecs, puis par les
Romains sous Jules César et Auguste. Des temples, des fontaines, des théâtres furent alors érigés. Puis les Chrétiens firent leur entrée à Butrint qui devint un évéché et vit la construction
d’une cathédrale et d’un baptistère dont la mosaïque est remarquable. Ensuite, les Normands et les Byzantins s’opposèrent pour la prise de la ville ; les Normands l’emportèrent et ce fut une
nouvelle phase de construction (remparts, château). Au XIVème siècle, Butrint fut acheté par les Vénitiens et devint un poste avancé sous la tutelle de Corfou alors aux mains des Vénitiens. Bien
qu’appréciée pour ses poissons, son élevage, et ses forêts, la ville fut peu à peu abandonnée. C’est à la fin du XVIIIème siècle, sous la houlette d’Ali Pacha dit « le Bonaparte
Musulman » lui-même poussé par des diplomates et artistes britanniques que la ville retrouva momentanément de la splendeur avec la construction d’un nouveau château au bord de la
rivière.
En 1928, une mission italienne commença des fouilles archéologiques et le site fut peu à peu mis à jour, et devint Parc
National en 2001, soutenu financièrement par une ONG à but non lucratif, la Butrint Foundation.
Le contraste est frappant entre l’univers commercial de Sarandë et celui de Butrint ; tout les oppose : chaleur et
fraîcheur, végétation luxuriante et désert de cailloux, bruit et silence, chlorophylle et pollution gazeuse, etc…
Blue Eye. Dès que l'on entre
dans les terres derrière Sarandë, tout change subitement ; la rivière qui se jette dans la mer à Butrint étale sa vallée extrêmement verdoyante sur deux à trois kilomètres de large et subitement
la route s'élève et l'on entre au pays de la montagne et de l'eau. L'eau évidemment descend les vallées, mais surtout elle apparaît en de nombreux endroits au travers de quantités de
résurgences parmi lesquelles le Blue Eye où l'eau ressort de 80 m de profondeur avec un débit qui a été mesuré jusqu'à 8,8 m3/s. L'eau est canalisée ensuite en maints
endroits soit pour l'irrigattion soit pour alimenter des centrales hydrauliques. Les débits sont impressionnants comme en témoignent les photos ci-dessous.
De cette première journée en Albanie, il ressort une impression de développement un peu forcené et anarchique qui démontre
quand même une grande ardeur au travail. Le centre urbain en est l'image dévoyée : là où il y a de l'argent à faire, allons-y ! Par contre l'arrière pays visité a paru plus écologique ; à cet
endroit-là, la nature est prodigue, peu d'efforts en font fructifier les dons et elle intéresse peu les investisseurs qui, ici, ont un grand objectif : développer le tourisme.
Cette promenade aura aussi été marquée par de longues marches à pied ; le soir, repas léger au bateau et dodo, en visant
d'aller faire un tour au marché de Sarandë avant de partir. Ce qui fut fait.
Le marché aux légumes est très achalandé et très peu cher : apparemment, ce qui manque, c'est les clients : comme le montre
la photo, la bonne vingtaine de marchands se partageaient les deux ou trois clients, qui, comme nous à 8 h ce matin faisaient leurs courses.